La surprise

  • Passage ? Chut, le voilà. Ça va, chaton ? On va bientôt manger, tu peux mettre la table. 

Théodore s’exécute mais il se questionne. De quoi pouvaient bien être en train de discuter ses parents ? Pourquoi se sont-ils tus au moment où il arrivait ? Ils avaient un air coupable en plus. Passage… Ils ne peuvent pas déjà penser à son passage en 4e, nous ne sommes qu’en janvier. Et puis bon, il n’est peut-être pas premier de la classe, mais ses notes ne sont pas si mauvaises. Enfin, pas catastrophiques, quoi. Non, non, ça doit être autre chose. Il y a bien son anniversaire à la fin du mois : il aura 13 ans. C’est un cap tout de même. Dans certaines cultures, on devient même un homme à cet âge-là. Il a vu une vidéo Youtube sur le sujet l’autre jour. 

  • Mais saperlipopette [ok, il faut qu’il arrête de lire Tintin…] ! Bon sang, mais c’est bien sûr [… et de regarder les 5 dernières minutes aussi] : les parents sont en train de me préparer une méga-surprise pour mon anniversaire, pour mon PASSAGE à l’âge adulte. Il faut que je sois sûr. Pour me préparer à jouer la surprise.”

Les jours suivants, Théodore enquête. Il est à l’affût du moindre indice, de la plus petite allusion. Et ils pleuvent ! Comme ce jour où son père est en Facetime avec son oncle : il passe devant la caméra pour le saluer rapidement. 

  • Salut tonton, ça va ? On se voit bientôt peut-être ! 
  • Oh j’aimerais bien mon Théodore, mais je suis en mission en Nouvelle-Zélande pour 1 mois encore. D’ailleurs, tu veux que je te ramène quelque chose de là-bas ?
  • Je te fais confiance. Surprends moi…

Il clôt la conversation par un clin d’œil appuyé et quitte la pièce. 

Il y a aussi la fois où, rangeant sa chambre – il s’agit de faire de la place au cas où son cousin resterait dormir après la soirée – il remet la main sur un paquet de ballons gonflables. Il le donne à sa mère. 

  • Tiens, m’man, j’ai trouvé ça, il en reste pas mal, ça peut peut-être servir bientôt. 

Nouveau clin d’œil appuyé. 

  • Tu as un truc à l’œil ? Merci, mais qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ? Range le dans le placard s’il-te-plaît
  • C’est quoi ?

Agathe, sa grande sœur, vient de faire irruption dans la pièce. 

  • Oh, des ballons, génial ! Je les prends, Méline fait une soirée pour son anniv bientôt. 
  • Nan, Agathe, mieux vaut les remiser dans le placard, maman peut en avoir besoin bientôt.
  • Non, je t’assure Théodore, ça m’encombre plus qu’autre chose. Agathe, tu peux les avoir. 
  • Merci, m’man, je vais les “remiser” dans ma chambre alors. Nan, mais j’te jure. Hé, c’est 13 ans que tu vas avoir, pas 80.

Elle quitte la pièce dans un grand éclat de rire .
Ils sont très forts pense Théodore en regagnant sa chambre. A les voir, on pourrait croire qu’ils ne préparent rien. Mais j’ai vu clair dans leur jeu [Peut-être pas 80, mais au moins 50 ans…]

Au dîner, il monopolise la conversation en lançant plusieurs idées de cadeaux, tous plus chers les uns que les autres. 

  • Mais c’est hors de prix Théodore, remarque son père.
  • Ouais, Totor [c’est le surnom que lui donne sa sœur. Plutôt 4 ans que 50 finalement], tu crois quoi ? Moi, pour mes 13 ans, j’ai eu une paire de chaussures et un livre.
  • ok, ok, je lance des idées. Au cas où des gens voudraient se grouper, dit-il avec un petit sourire. 

Le samedi soir suivant, alors qu’il est dans sa chambre, ses parents l’appellent du salon. 

  • Théodore, tu peux descendre ? 
  • Oui, j’arrive tout de suite. 

C’est le moment, pense-t-il. Ils ont une semaine d’avance mais c’était sans doute la seule date qu’ils ont pu trouver pour réunir toute la famille. Et puis comme ça, ils sont sûrs que je ne me doute de rien. Mouhahahahahah.
Il enfile rapidement une chemise, passe son jean et hésite à mettre sa cravate, réservée aux mariages. Il la met. Après tout, on n’a 13 ans qu’une fois. Et puis, il se doit d’être présentable pour les photos. 

Il descend lentement l’escalier, tel un roi allant à la rencontre de son peuple, un tranquille sourire sur le visage. Il guette les banderoles et le lâcher de ballons [il regarde aussi beaucoup trop de séries américaines]. Mais rien. Seulement ses deux parents au milieu de la pièce. 

  • Faut qu’on te parle. 

Théodore continue à inspecter tous les recoins mais les invités sont bien cachés. Décidément, ils veulent faire durer la surprise. 

  • Mais qu’est-ce que tu fais dans cette tenue, lui demande sa mère. Tu es beau, dis donc. 

Elle le regarde tristement, en lui caressant les cheveux. 

  • Bon, c’est pas le sujet. Théodore, ça ne va pas du tout. 

Théodore continue de sourire. Il attend le “Surpriiiiiiiiiise” qui ne va pas manquer de retentir d’un instant à l’autre et qui donnera le top départ de la soirée. 

  • Oui, tes professeurs nous ont écrit, enchaîne son père. Visiblement, ton comportement laisse vraiment à désirer. Tu n’écoutes pas en classe, tu fais tes devoirs une fois sur deux. il faut que tu te reprennes. 
  • Voilà. Ça fait des jours qu’on discute avec ton père pour trouver une punition appropriée. Qu’est-ce qui te permettrait de te remettre les idées en place ? Tu ne peux pas être pas sage comme ça au collège. 

Pas sage. Théodore comprend soudain et son sourire disparaît. 

  • Ta mère a raison. Ce n’est plus possible, tu vas avoir 13 ans. Il faut commencer à prendre tes responsabilités. Tu sais que dans certaines cultures, on est déjà un homme à cet âge ? 

Camille Lacôte

Les thèmes philosophiques à aborder

Grandir

  • Quel âge va avoir Théodore ? 
  • Qu’est-ce que ça va changer pour lui ? Fais des hypothèses.
  • Peut-on grandir sans s’en rendre compte ? 
  • Grandir, est-ce changer ?
  • Est-ce que grandir, c’est devenir plus raisonnable ?
  • Est-ce qu’on a toujours envie de grandir ?
  • Peut-on grandir sans le vouloir ? 
  • Qu’est-ce qu’être un enfant ? Qu’est-ce qu’être un adulte ?

La surprise 

  • A quoi s’attendait Théodore ? 
  • Qu’est-ce qui lui a fait penser ça ? 
  • Est-ce que toi, cette surprise t’aurait plu ? 
  • Que s’est-il passé en fait ? 
  • Était-ce une surprise pour lui ? 
  • C’est quoi une surprise ? Donne une définition.
  • Une surprise, est-ce toujours une bonne chose ?
  • Préfère-t-on savoir ou être surpris ?
  • Quels sont les indices qui auraient pu le mettre sur la bonne voie ?
  • Peut-on se préparer à une surprise ?
  • Est-ce que les mauvaises surprises nous apprennent quelque chose ?


Croire et Savoir

  • Dans l’histoire, à quel moment Théodore 
    • croit
    • devine
    • interprète
    • sait
    • comprend
  • Quelle est la différence entre croire et savoir ?
  • Peut-on être sûr de ce qu’on croit ? Comment ?
  • Est-ce que ce qu’on croit peut nous empêcher de voir la vérité ?
  • Vaut-il mieux croire ou savoir ?
  • Pourquoi se trompe-t-on parfois, même avec de bonnes intentions ?
  • Est-ce qu’on voit vraiment ce qu’il y a, ou ce qu’on veut voir ?
  • Est-ce qu’on préfère vivre dans une belle illusion ou dans une vérité décevante ?

 

D’autres récits philo

Le mythe de Narcisse

L’histoire que je vais vous raconter se passe il y a bien longtemps, dans la Grèce antique, au temps des Dieux. Vous savez, Zeus, Athéna et tous leurs copains.

C’est l’histoire de Narcisse, un beau jeune homme. Mais vraiment très très beau. Tellement que quand il marche dans la rue, tout le monde se retourne pour le regarder. Un jour, il part de chez lui pour aller rejoindre ses amis. 

  • Tu ne rentres pas trop tard, mon grand, lui dit sa mère en l’embrassant sur le front. 
  • T’inquiètes, m’man chérie, les copains et moi, on va juste se promener dans la forêt, je serai rentré pour le dîner. Et puis Calinox vient avec moi. Hein mon chien, t’es un bon chien toi. Viens là, dans mes bras. 

Sur le chemin, Narcisse croise Echo. Elle est belle, gentille, et dès qu’elle le voit, elle tombe amoureuse. Rouge comme une tomate, elle essaie de parler :

  • Sa-sa-salut, je mamamamapelle Echo. C’est quoi ton front, euh, ton gnon, enfin ton nom ? 

Narcisse regarde bizarrement cette fille qui semble avoir du mal à parler. Serait-elle idiote ?  

  • Moi, c’est Narcisse, mais j’ai pas trop le temps, là, je dois rejoindre mes potes. Tu peux me laisser passer ? 

Echo essaie encore : 

  • Ca te dirait de prendre un père pour qu’on dispute. 
  • Hein ?
  • Euh, je veux dire qu’on prenne un verre pour qu’on discute. 

Elle bafouille, rigole nerveusement, devient encore plus rouge. Narcisse éclate de rire. 

  • Écoute, t’es pas très claire, et j’ai pas envie de discuter. Allez, salut !

Il la pousse doucement pour passer.

Craaaaaac-aaaac  : c’est le bruit du cœur d’Echo qui se brise. Elle reste là, toute triste. Les jours suivants, elle pleure encore, et ne peut plus rien manger tellement elle est triste. Même les lasagnes de sa mère, pourtant son plat préféré. 

Ce n’est pas la première fois que Narcisse rejette quelqu’un. Il y en a eu – des filles et des garçons – avant elle, qui sont tombés amoureux de lui. Mais il les a tous traités à peu près de la même manière. Mais il trouvait toujours un défaut : pas assez drôle, pas assez beau, pas assez stylé. Un jour, une personne qu’il avait blessée, lève les bras au ciel 

  • J’espère que Narcisse tombera amoureux un jour… mais que personne ne l’aimera en retour !

La déesse de la vengeance, Némésis, entend cette prière…

Quelques jours après, Narcisse se promène au bord d’une rivière. Il a soif. Il se penche… et là, il voit un visage magnifique dans l’eau : des cheveux parfaits, un sourire incroyable, des yeux trop beaux. Il tombe amoureux ! Il veut toucher cette personne, lui parler… mais chaque fois qu’il approche, le reflet disparaît.

Craaaac… C’est son cœur à lui, cette fois, qui se brise. Il reste là, tout triste, incapable de partir.

On dit que Narcisse a tant pleuré qu’il a fini par s’endormir au bord de la rivière… et qu’il ne s’est jamais réveillé. À l’endroit où il a disparu, une belle fleur jaune a poussé. Les dieux la baptisèrent Narcisse en son honneur.  

Camille Lacôte

Questions à poser à l’issue de la lecture :

1/ Conceptualiser l’amour

  • Peux-tu me résumer l’histoire ?
  • Qu’est-ce que Narcisse aime ? N’aime pas ?
  • Qu’est-ce que Echo aime ? N’aime pas ? 
  • Et toi, qu’est-ce que tu aimes, n’aimes pas ? 
  • Est-ce que le verbe aimer veut toujours dire la même chose ? Est-ce qu’il s’agit toujours d’amour ? Et quand il s’agit d’amour, est-ce toujours le même type d’amour ? Est-ce qu’on aime sa famille comme on aime son amoureux ? Quels sont les points communs ? Les différences ? 
  • Est-ce qu’on peut avoir plusieurs amis ? Plusieurs amoureux ? 

2/ Comment on tombe amoureux ? 

  • Comment Echo tombe-t-elle amoureuse de Narcisse ? Et Narcisse de lui-même ? 
  • Est-ce qu’il y a une raison de tomber amoureux de quelqu’un précisément et pas d’un autre ? 
  • Comment sait-on qu’on est amoureux ? 
  • Est-ce que ça se voit quand on est amoureux ? A quoi ?  
  • Est-ce que tout le monde tombe amoureux ? 
  • Peut-on vivre sans amour ? 
  • Est-ce qu’il y a un âge pour être amoureux ? Adultes, enfants, vieille personne ? 
  • Est-ce qu’on peut s’empêcher d’être amoureux ? 

3/ De qui on tombe amoureux ? 

  • Faut-il se ressembler pour s’aimer ? Pour être aimé ? Garçon/Fille ? Du même âge ? 
  • Faut-il aimer les mêmes choses, pratiquer les mêmes activités
  • Est-ce qu’on choisit de tomber amoureux de quelqu’un ? 
  • Est-ce qu’on m’aime malgré ma différence  ? A cause de ma différence ? 
  • Est-ce que pour être amoureux de quelqu’un il faut qu’il m’aime aussi ? Est-ce que quand quelqu’un nous aime, on l’aime forcément ? Et si j’aime quelqu’un, doit-il m’aimer en retour ? 

4/ Qu’est-ce qui se passe quand on est amoureux ? 

  • Comment se sent-on quand on est amoureux ? Qu’est-ce qu’on fait ? Et avec l’autre ? 
  • Est-ce que l’amour rend heureux ? Pourquoi ? 
  • Est-ce que l’amour rend triste ? Pourquoi ?
  • Qu’est-ce qu’on est prêt à faire par amour ?
  • Est-on prêt à faire des choses folles, à se dépasser ? 
  • Est-ce qu’on doit dire à quelqu’un quand on est amoureux de lui ? Est-ce que c’est facile ? De le dire à son amoureux ? De le dire aux autres ? 
  • Est-ce que c’est difficile de dire à quelqu’un qu’on l’aime ? Avantages, inconvénients ?  
  • Alors l’amour, c’est quoi ?

 

Continuez à réfléchir sur l’amour avec le philo-jeu la fleur de l’amour.

D’autres récits philo

Jules a du ressort

Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing !

Jules range ses stylos dans sa trousse et se précipite dehors. 

  • Attention, Jules, tes lacets sont défaits, tu veux que je t’aide à les faire ? 

Mais Jules ne veut pas. La maîtresse va encore vouloir lui montrer, ça va prendre mille ans. Il les noue rapidement. Ça n’a pas l’air de bien tenir mais le nœud est stylé et pas question de louper une précieuse minute de récré. Et puis, il est bien trop content d’aller montrer à ses copains ce qu’il a réussi à faire. 

Il s’élance en courant, le lacet de la chaussure gauche se défait dans l’escalier. Et c’est le vol plané. 

Quelques secondes de silence. Les gens autour de lui se figent, choqués par la violence de l’impact, et d’un coup : 

  • Ouinnnnnnnnnnnnnnnn

Jules est en larmes, il se tient le genou et regarde son lacet défait qui s’agite comme un serpent au bout de sa chaussure. Il ne sait pas trop si c’est la douleur ou la honte qui le fait pleurer.

La maîtresse accourt, le prend dans ses bras et le porte jusqu’au bureau de la directrice.

  • Ne bouge pas, je vais appeler tes parents, dit-elle de la voix la plus douce possible. Mais elle est obligée d’élever le ton pour couvrir les sanglots. 

Une fois seul, les larmes de Jules finissent par s’assécher. Le silence se fait dans la grande salle. Il n’est pas rassuré, son genou lui fait mal. En le regardant, tout rouge et un peu gonflé, il aperçoit le lacet défait qui le nargue. Une nouvelle larme coule lentement sur sa joue. 

Soudain, il entend quelque chose. Un bruit semble venir de l’armoire. Il s’approche en boitillant et ouvre les portes d’un coup. Mais rien : seulement un stock de fournitures. 

Pourtant, le bruit continue, comme des rires qui s’échappent de derrière la cloison. En tâtonnant, il appuie sur un bouton sans vraiment s’en rendre compte… et comme par magie, le fond de l’armoire coulisse.

Il n’en croit pas ses yeux : une grande pièce aux murs colorés, recouverte d’un gros matelas bien épais. Au centre, trône un gigantesque trampoline ; et dans les airs, la directrice en plein salto. C’est elle qui rigole très fort. 

Jules se racle la gorge pour attirer son attention.

  • Zboïng, zboïng. 
  • Madame, dit-il plus fort.

La directrice semble se figer en plein vol.

  • Mais… mais qu’est-ce que tu fais là, dit-elle d’un air gêné, en atterrissant maladroitement. 
  • Euh, j’attends la maîtresse. Elle est partie appeler mes parents parce que je suis tombé dans les escaliers, répond Jules en montrant la poche de glace qu’il tient encore sur son genou. Mais c’est quoi, ici ? 
  • Et bien, euh… comment dire… C’est une pièce dans laquelle je viens quand je me sens un peu triste, ou quand j’ai besoin de me changer les idées. 

Elle s’approche de lui et lui tend un mouchoir. 

  • En parlant de ça, c’est quoi ces grosses larmes sur tes joues ? Viens un peu par là et fais comme moi, on oublie tout quand on saute. Mais avant, refais ton lacet. Les matelas sont épais, mais mieux vaut éviter un nouvel accident. 
  • Je ne suis pas sûr d’y arriver tout seul. Vous voudrez bien vérifier quand j’aurai terminé ? 
  • Oui, mais essaie quand même. On a le temps. Personne n’est au courant que cette pièce existe.   

Jules jette un œil plein d’envie au trampoline, prêt à s’élancer mais son regard tombe sur sa jambe. Il finit par poser un genou à terre, saisit les deux lacets et essaie de se souvenir de ce que lui a appris sa maman.

  • Deux oreilles de lapin, je fais le tour de l’arbre et je rentre dans le terrier.

Cette fois, Jules prend bien le temps de serrer et de vérifier que son lacet tient. Après un coup d’œil, Madame Plume lui tend la main. Jules hésite. En même temps, c’est la directrice. Elle doit savoir ce qu’elle dit. 

Il commence par faire des petits sauts timides, puis gagné par l’excitation, il prend de plus en plus de hauteur et rivalise d’agilité avec Madame Plume. 

  • Youpiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, zboïng, zboïng. 

Après 10 minutes de saltos avant et arrière, Jules a complètement oublié son vol plané dans l’escalier… Et les lacets tiennent toujours ! 

  • Bravo Jules, tu apprends vite ! J’ai l’impression que ta tête est à nouveau sur tes épaules. Il est temps de retourner dans mon bureau. Ta maîtresse va revenir. Je peux te demander une chose ? 
  • Bien sûr, Madame. 
  • Tu pourrais garder le secret ? Je voudrais que cette pièce reste… notre petit coin à nous. 

Jules acquiesce, suit la directrice dans son bureau et referme soigneusement la cloison derrière lui. 

C’est à ce moment que la maîtresse arrive. 

  • Oh, madame la directrice, vous étiez là, je ne vous avais pas vue. Les parents de Jules arrivent, il a fait une grosse chute dans l’escalier. 
  • Oui, je sais, il m’a tout raconté. Mais je crois que ça va mieux. 

Elle lui fait un clin d’œil. Jules lui répond avec un grand sourire. 

***
Une vingtaine de minutes plus tard, les parents de Jules arrivent, paniqués. 

  • Tout va bien, mon chéri ? 

Jules lit calmement une BD dans un gros fauteuil moelleux. 

  • Ça a l’air d’aller en fait, dis donc. La maîtresse nous a pourtant dit que tu avais fait une grosse chute et que tu étais inconsolable. 
  • Oui, mais quelqu’un m’a remis les idées en place. 

Les parents se regardent, étonnés. 

  • Parfait, on y va alors. Mais attends, ton lacet est défait, tu veux que je le refasse, demande son père en se penchant vers son pied. 
  • Non, c’est bon papa, regarde, je sais faire tout seul. 

En quelques secondes, Jules noue ses chaussures sous le regard impressionné de sa maîtresse et de ses parents. Il fait un clin d’œil à la directrice puis s’adressant à ses parents : 

Depuis le temps que j’essayais d’apprendre… vous pourriez au moins sauter au plafond ! 

Camille Lacôte

Questions à poser à l’issue de la lecture :

  • Est-ce que tu dirais que Jules a commis une erreur ? Si oui, laquelle ? 
  • Pourquoi ? 
  • Est-ce que c’est grave
  • Que lui a permis son erreur ? 
  • T’est-il déjà arrivé de faire une erreur ? Comment t’en es-tu aperçu ? 
  • Que s’est-il passé alors : la maîtresse ou tes parents ont-ils fait quelque chose de particulier ? 
  • Est-ce toujours la même chose qui arrive quand on a fait une erreur ? Qu’est-ce qui peut changer ?
  • Est-ce que lorsqu’on est en classe, en général, on a le droit, ou pas, de faire des erreurs ? 
  • Et en dehors de la classe ? 
  • Est-ce grave de se tromper ? Donne un exemple où l’erreur est grave et un où elle ne l’est pas . 
  • Quelles sont les raisons pour lesquelles on peut se tromper ?
    • Par manque de connaissance ?
    • Par inexpérience ?
    • Parce que l’on ne réfléchit pas ?
    • Parce qu’on ne fait pas attention ?
    • Pour attirer l’attention ?
  • Est-ce qu’on te demande parfois de faire exprès des erreurs ? »
  • Est-ce que se tromper, ça peut être bien ? Dans quelles conditions ?
  • Est-ce que le bébé arrive à marcher tout de suite ?
  • Est-ce que tu as réussi à faire du vélo tout de suite ?
  • Est-ce que quand tu essaies, au bout d’un moment tu finis par y arriver ?
  • Est-ce qu’on peut ne jamais se tromper ? 

D’autres récits philo

L’odyssée de Poupe

Aujourd’hui, Poupe le poulpe est très heureux… comme à chaque fois que son humain affiche un grand sourire. Il faut dire que c’est le jour où ils vont au parc d’attractions. Ça fait des semaines que  Nicolas lui en parle. 

Poupe ne sait pas trop ce que c’est un parc d’attractions, mais Nicolas lui a dit que c’était un endroit magique, où on ne faisait rien qu’à s’amuser. On peut lui faire confiance, on rigole toujours beaucoup  avec Nicolas. Heureusement, parce que Poupe  a un peu peur d’aller dans des endroits qu’il ne connaît pas. Nicolas aussi, croit-il, parce que c’est dans ces moments-là qu’il le serre fort dans ses bras. Poupe est tellement bien dans les bras de son humain, il sent si bon. 

Les voilà arrivés au parc, Nicolas n’avait pas menti : il y a des enfants qui rient et qui courent partout, une délicieuse odeur de bonbon qui flotte dans l’air et surtout le sourire de Nicolas qui met Poupe en joie. Le petit garçon saute d’un manège à l’autre, il ne sait pas par lequel commencer, il y en a tellement.

Il en enchaîne un, puis deux, puis trois. Bercé par les tours sans fin et le rire de son humain, Poupe s’endort. 

Il est réveillé par un souffle froid. Il cherche à se caler dans les bras de son ami pour se réchauffer. Mais Nicolas n’est plus là. Poupe gît par terre, sur le sol humide. La nuit tombe, il ne reconnaît rien. Il commence à avoir très peur : il ne sait pas où il est. Soudain, une gigantesque main apparaît, elle le soulève du sol et le jette dans un grand sac. Après quelques minutes dans un noir complet, le sac s’ouvre et la main le lance dans une grande malle remplie de vêtements et de doudous. 

  • Tiens, un nouveau, dit d’une grosse voix un vieux doudou à un seul œil.
  • Oh oui, c’est une drôle de boule… mais c’est quoi ces piques autour… Je sais, c’est un virus !  Mais si, vous savez, ceux qui donnent les maladies, dit un lapin tout défraîchi à qui il manque une oreille
  • Je ne suis pas un virus, s’énerve Poupe. Je suis un poulpe. Alors oui, il me manque des tentacules. Ils sont à la maison, ils sont juste décousus. Une fois, j’en ai perdu un dans la machine à laver, c’est la maman de Nicolas qui avait voulu m’y mettre. Et une autre fois, c’est cette peste de Camille qui avait essayé de m’arracher des bras de Nicolas. 
  • C’est qui, ce Nicolas dont tu n’arrêtes pas de parler, c’est ton humain ? demande le lapin. 
  • Oui, c’est mon meilleur ami, répond Poupe avec des larmes dans la voix. Il faut que je le retrouve, il va s’inquiéter, et je ne serai pas là pour le rassurer. 
  • Tu crois vraiment pouvoir sortir d’ici, interroge le lapin. Regarde comme les murs sont hauts. Mais ton humain viendra peut-être te chercher, c’est déjà arrivé… une fois. C’était un beau nounours tout neuf, vous vous rappelez, toute la famille était venue. 
  • Oui, mais il était entier, grogne le vieux doudou à un seul œil. Tu as vu dans quel état il est, lui, il est tout déchiré, comme nous. Puis s’adressant à Poupe, “si tu veux mon avis, ton humain s’est débarrassé de toi.” 
  • Général Doudou a peut-être raison, tu sais, reprend le lapin. Ici, il y a un tas de magasins, et j’ai vu beaucoup de parents d’humains en ressortir avec de nouveaux doudous, tout neufs, tout doux. Ils les offraient à leurs petits qui sautaient de joie. Et les parents en profitaient pour jeter le vieux doudou. 
  • C’est exactement ce qui m’est arrivé, dit une voix triste qui vient du fond du coffre, celle d’ un petit éléphant à la trompe décousue.
  • Mais non, Nicolas ne me ferait jamais ça, on est ensemble depuis si longtemps
  • Et bien voilà, dit Général Doudou. Ses parents doivent le trouver trop grand pour se promener avec un vieux morceau de tissu délavé.. 

Poupe ne veut plus rien entendre,  il creuse avec ses tentacules pour s’enfoncer dans la malle. Il a mal au ventre tout à coup : et s’ils avaient raison, si Nicolas ne voulait plus de lui ? Une petite larme se met à couler sur sa joue et son cœur se serre très fort. Il doit trouver un moyen de s’enfuir. Que va faire son humain sans lui : quand il aura peur… et pour s’endormir… Et lui, que va-t-il devenir sans son meilleur ami ? 

  • Je dois retrouver Nicolas, il a besoin de moi !

Ce n’est pas le moment de pleurer ! Il nage au milieu des vêtements pour revenir à la surface et regarde les murs qui l’entourent. Le lapin a raison, c’est vraiment haut. Il essaie une première fois de monter mais retombe bien vite à cause de ses bras manquants. Il recommence aussitôt : il s’accroche comme il peut, ça tire sur ses coutures, mais il tient bon… jusqu’à retomber une fois encore… et encore. Il refuse d’abandonner.  

Général Doudou est impressionné par ce poulpe têtu, il décide de l’aider. Il se met à crier des ordres à tous les doudous du coffre. 

  • Le poulpe a raison, on ne laisse jamais tomber un enfant, c’est écrit dans le code d’honneur des Doudous.  Et ce n’est pas un ou deux bras en moins qui vont, euh.., se mettre en travers de notre chemin. Messieurs-Dames, en ordre de bataille ! Poupe, nous allons t’aider.

Il s’empare d’un doudou long et plat, l’accroche à la manche d’un pull et le lance vers le haut du mur. Hourrah, il réussit à s’agripper, Poupe n’a plus qu’à remonter le long de la manche. 

Arrivé tout là-haut, il agite ses tentacules pour dire au revoir à ses nouveaux amis, et sans réfléchir, malgré la hauteur, il se lance dans le vide. Il n’a qu’une idée en tête, rejoindre Nicolas. Il gonfle son corps qui se transforme en parachute et replie ses tentacules sous lui en ressort pour amortir la chute. Il se précipite à la porte et se retrouve dehors. 

Où doit-il aller maintenant ? Le parc est si grand, il y a tellement d’humains… et de bruit. Il respire un grand coup et se concentre. Il entend au loin une musique, c’est celle du dernier manège qu’il a fait avec Nicolas, il décide de se laisser guider. Ça y est, le manège est en vue ! 

Il entend alors  une voix familière derrière lui, c’est la maman de Nicolas ! 

  • Qu’est-ce que tu fais là, toi, je pensais qu’on ne te reverrait plus. 

Elle le ramasse rapidement. Poupe se fige, il repense à ce que lui ont dit les autres doudous : et si les parents de son humain ne voulaient plus de lui ? Il regarde aux alentours, ne voit pas Nicolas mais une poubelle vers laquelle la maman se dirige. Poupe s’apprête à s’enfuir quand elle crie : 

  • Nicolas,  je l’ai retrouvé !  

Le petit garçon court vers elle et  arrache le poulpe des bras de sa mère. Il le  serre fort. 

  • Mon Poupe, j’ai eu tellement peur ! 

Le petit poulpe enroule ses tentacules autour des bras de Nicolas et respire profondément. Cette odeur lui a tellement manqué. 

  • Regarde maman, dis le petit garçon, je vais me servir de ses tentacules pour l’attacher solidement à moi. Je ne veux plus jamais le perdre, comment je ferais sans lui ? 

Le coeur de Poupe explose de bonheur, et il murmure en regardant son humain tendrement : 

  • Et moi, sans toi ?

Camille Lacôte

Thèmes philosophiques à aborder

  • C’est quoi un ami ?
  • Grandir
  • C’est quoi le courage ?

D’autres récits philo

L’été de ses 16 ans

Garance a la boule au ventre :  elle a quelque chose d’important à demander à ses parents, cela fait plusieurs jours que ça traîne. Ce soir, elle ose. Elle profite du dîner, c’est l’occasion :  toute la famille est réunie et ça n’arrive plus si souvent. Elle attend que son petit frère ait fini de raconter sa journée. Enfin, un trou dans la conversation, elle se lance. 

  • Papa, maman, j’ai un truc à vous demander. Cet été, on voudrait partir avec les copains. On a repéré une maison qu’on pourrait louer à…

Son père arrête de mastiquer et la fixe d’un regard noir :   

  • Ma petite fille, je t’arrête tout de suite. Tu crois vraiment qu’à 16 ans ta mère et moi, on va te laisser partir en vacances toute seule ? 
  • Mais je ne serai pas toute seule, on sera 8 ! Et il y a Axel qui va avoir bientôt 18 ans. 
  • 8 adolescents ! Mais personne ne vous louera jamais une maison… 

Le ton monte entre le père et son adolescente. La mère essaie sans succès de se faire entendre. Elle finit par faire tomber bruyamment la casserole de pâtes sur la table. Silence.

  • Je peux prendre part à la conversation ? Je suis d’accord avec ton père, tu es encore très jeune pour partir seule. 

Garance va pour se lever, les larmes aux yeux

  • De toute façon, vous ne me faites jamais confiance. 
  • Attends, la retient sa mère. On peut discuter, non ? J’ai une proposition à vous faire. Tu sais, à 10 min de chez mamie, il y a cette maison, que les propriétaires louent pendant les vacances, je crois. Vous pourriez peut-être aller là-bas ? Comme ça, s’il y a un problème, tu pourras aller voir ta grand-mère, ce n’est pas loin. Et s’il n’y en a pas, ben tu pourras quand même aller lui faire un petit coucou, ça lui fera plaisir. Qu’est ce que tu en penses ?

La jeune fille se rassoit silencieusement. Elle se sert des pâtes, toujours sans dire un mot. Et puis, soudain, un sourire sur son visage

  • Ouais, ouais, carrément ! Le coin est joli, on pourra emprunter des vélos à mamie, et puis, je pourrais leur montrer tous les endroits où on allait quand j’étais petite. Qu’est ce que tu en penses, papa, tu serais d’accord ? 

Le père a lui aussi repris sa mastication, et sans lever le nez dans son assiette, il répond d’un ton un peu triste 

  • oui, j’imagine que c’est une bonne idée. J’appellerai ma mère demain pour avoir le numéro de téléphone des propriétaires. 

Garance se jette dans les bras de ses parents, et le repas se finit tranquillement. 

Deux mois après, c’est enfin le jour du grand départ. Les parents de Garance l’ont emmenée au train pour lui faire leurs dernières recommandations.

  • sois prudente quand vous faites du vélo, et dors un peu quand même
  • oui, et essayez de ne pas manger des pizzas matin, midi et soir pendant une semaine
  • Mais oui, ne vous inquiétez pas ! 

Quand le train quitte la gare, Garance est envahie d’une sensation étrange, difficile à définir, mais très agréable, comme une impression de légèreté, d’immensité : elle imagine déjà tout ce qu’elle va pouvoir faire avec ses amis durant cette semaine de liberté. 

Quand les adolescents arrivent à la maison, ils sautent de joie : elle est immense, avec un grand jardin, exactement comme ils se la sont imaginée. Ils se répartissent les chambres et les lits facilement. Puis, c’est le moment des courses : fou rire général. Aux caisses, le caddie est rempli de chips, de sodas mais aussi de tomates cerise : il faut des légumes quand même. Le soir, les amis discutent jusque tard dans la nuit, et le lendemain, chacun s’éveille à son rythme. Les premiers jours se déroulent sans heurts : promenades, discussions, jeux, les vacances de rêve ! 

Et puis la pluie survient, drue, mouillante, interminable. 

  • Hé Garance, y a plus de lait. Et y a plus de coca. Et plus vraiment de quoi dîner en fait. Faudrait retourner faire les courses. C’est ton tour. 
  • Mais tu as vu ce qu’il tombe. Je vais attendre un peu. 
  • De ce que dit la météo, c’est pas prêt de s’arrêter. Allez bouge toi, j’ai déjà faim. 

A contrecoeur, Garance enfile son ciré et enfourche son vélo. Elle a tout de même 15 min à pédaler pour atteindre le supermarché, et les rafales de vent la ralentissent encore. Heureusement, Axel a bien voulu l’accompagner. Sur place, ils remplissent rapidement le caddie, conscients que le retour ne va pas être plus plaisant que l’aller, vu que la pluie a redoublé. Alex est dépité. 

  • On ne pourrait pas demander à ta grand-mère de venir nous chercher en voiture ? 
  •  Mais non, c’est bon, on n’a pas besoin d’elle. C’est pas un peu de pluie qui va nous faire peur. 

Elle essaie d’afficher une mine réjouie. 

  • Mais l’année prochaine, je passe mon permis

De retour à la maison, une nouvelle déconvenue survient : le salon, comme toutes les autres pièces d’ailleurs, est plongé dans le noir. Dehors la pluie s’accentue, le tonnerre se met à gronder. 

  • Mais qu’est ce qui se passe encore ? Pourquoi il fait tout noir ? demande Garance
  • Les plombs ont sauté à cause de l’orage, lui répond Tanya. On est dessus depuis 30 minutes, on n’y arrive pas. On cherche un tuto Youtube mais l’installation est vraiment vieille. Et sans électricité, pas de chauffage et surtout pas d’eau chaude…

Soudain un éclair zèbre le ciel. Garance sursaute et fait tomber les courses qui se répandent sur le sol. C’en est trop : trempée par la pluie et par le lait renversé, elle est bientôt également trempée de larmes.

Que doit faire Garance : pleurer un bon coup et chercher à remettre l’électricité avec ses amis ou demander de l’aide à sa grand-mère ? 

Camille Lacôte

Questions de compréhension :

  • pourquoi les parents de Garance ne veulent pas la laisser partir au début ?
  • Pourquoi acceptent ils finalement ?
  • Quelles auraient été les conséquences s’ils avaient maintenu leur refus ?
  • Pourquoi Garance ne veut elle pas appeler sa grand-mère à la sortie du supermarché ? Quelles conséquences si elle l’appelait ?

Questions pour animer une discussion philosophique:

  • Est-ce que c’est bien de grandir ?
  • Quand devient-on une « grande personne » ?
  • Peut-on tout faire quand on est grand ?
  • Est-ce que c’est facile de grandir ?
  • Est-ce que ça fait peur de grandir ? 
  • Quels sont les avantages et les inconvénients de grandir ?
  • Qu’est-ce qui grandit quand on grandit ?

D’autres récits philo

La chenille qui ne voulait pas devenir papillon

Camille la chenille dévore une belle feuille bien grasse au bord du grand lac quand elle tombe nez à nez avec une grenouille. 

  • Alors Camille, on ne dit plus bonjour ? 
  • Heu… bonjour. On se connaît ? 
  • Tu ne me reconnais pas ? Ah, mais j’y suis, tu ne m’as pas vu depuis ma métamorphose. Oscar… le tétard ! Tu te souviens ? 

La grenouille bombe le torse et effectue quelques sauts devant une chenille qui n’en croit pas ses yeux. 

  • Oscar ? Impossible ! Tu es méconnaissable : ta forme, ta couleur…

La grenouille éclate de rire.

  • Eh oui, que veux-tu, c’est la vie, tous les têtards deviennent grenouille. Mais je trouve que j’ai plutôt gagné au change. 

Elle effectue un nouveau saut à une hauteur impressionnante avant de continuer : 

  • Et toi, d’ailleurs, c’est pour bientôt ta transformation ? 

Camille roule de gros yeux, horrifiée. 

  • Ma transformation, qu’est ce que tu racontes ? 
  • Tu n’es pas au courant : toutes les chenilles se transforment en papillons, tout le monde sait ça.
  • Quoi ? Mais non, jamais ! Je ne veux pas, tu m’entends, je suis très bien comme ça. 

Et la chenille s’enfuit ventre à terre. Aveuglée par les larmes, elle heurte violemment Axel l’axolotl, occupé à prendre un bain de soleil sur la rive, les doigts de pied en éventail. 

  • Et bien que t’arrive-t-il, tu as l’air bouleversé, lui demande la salamandre, en levant à peine la tête. 

Camille renifle et parvient à articuler : 

  • Je viens de croiser Oscar, tu sais, le têtard. Et bien maintenant, c’est une grenouille. Je ne l’ai pas reconnu. il dit qu’il s’est métamorphosé. Tu le crois, ça ? Et il dit que ça va aussi m’arriver. 
  • Tu vas te transformer en grenouille, demande Axel incrédule.
  • Non, en papillon ! Tu m’imagines, moi, avec une trompe, et deux grandes ailes, dans le ciel. Je vais me perdre, c’est trop grand. Et puis, je ne sais pas voler. Comment je saurai par où aller ? 
  • Oui, c’est complètement idiot, à quoi ça te servirait d’être un papillon ? Regarde moi, je suis le même depuis ma naissance : 4 belles pattes bien palmées, un visage lunaire, des branchies sur la tête, et je serai ainsi tout au long de ma vie. C’est comme ça depuis des générations. Et ce n’est pas près de changer, je te le dis ! D’ailleurs si tu veux bien, je dors toujours à cette heure-ci, et je préfère continuer de cette manière. 

Axel repose sa tête par terre et ferme les yeux. Camille regarde la salamandre qui restera éternellement jeune, et les sanglots la reprennent à l’idée de sa métamorphose prochaine. Attiré par le bruit, son grand ami Léon le caméléon s’approche doucement. Et pour calmer la chenille, il décide d’afficher des couleurs pastel.

  • Que t’arrive-t-il Camille 

La jeune chenille se jette dans ses pattes et lui raconte à nouveau son histoire. A la fin de son récit, elle tourne vers lui de grands yeux embués : 

  • qu’est-ce que je vais faire Léon ? 
  • et bien, tu vas te transformer. Mais souviens-toi la semaine dernière, tu avais tellement grandi après ce festin de feuilles que tu as été obligée de muer. Ton squelette était devenu trop petit, donc tu en as eu un autre. 
  • Ce n’est pas la même chose : mon nouveau squelette était exactement pareil, juste un peu plus grand. Si je me change en papillon, comment sauras-tu que c’est moi ?
  • Je te reconnaîtrai encore : tu sauras toujours aussi gentille ; tu aimeras toujours les sucreries, je parie. 
  • Mais je vais être obligée de changer de nom. Camille pour une chenille, ça colle, mais Camille, le papillon…

Léon éclate de rire et affiche soudain des couleurs plus vives.

  • Une chose qui ne changera pas, c’est que tu seras toujours aussi drôle ! Et tu rêveras toujours de voir le monde. Et en plus, tu pourras le faire. Tu imagines, tu pourras voler !
  • Tu as peut-être raison, peut-être que c’est pour le mieux. Merci Léon ! Pour nous remettre de nos émotions, je te propose un festin : j’ai repéré ce matin, une feuille énorme, on va se régaler.

Les deux amis se mettent en chemin. Camille mange tellement ce jour-là que dès le lendemain, elle forme sa chrysalide et entame sa métamorphose. 10 jours après en sort un papillon aux couleurs étincelantes, avec lesquelles Léon l’inséparable arrive parfaitement à s’accorder.

Camille Lacôte

Questions à poser à l’issue de la lecture :

  • Qu’est-ce qui fait peur à Camille ? 
  • As-tu déjà essayé de changer ton apparence ? Pourquoi ? 
  • Les autres t’ont-ils reconnu ? 
  • Peut-on changer autre chose que son apparence ? 
  • Renseigne-toi sur l’axolotl : qu’est-ce que le fait de ne jamais changer lui apporte ? 
  • Est-ce que Léon change quand il affiche des couleurs différentes? 
  • Est-ce qu’on change au cours de la vie ? Si oui, de quelle manière ? 
  • Suis-je le/la même à l’école et à la maison ? 
  • Suis-je le/la même à 2 ans, 6 ans, 14 ans, 30 ans, 50 ans, 100 ans ? 
  • Doit-on toujours être soi-même ? 
  • Peut-on changer qui on est ? 
  • Jusqu’où quelqu’un peut-il se transformer tout en restant lui-même ? 
  • Vieillir ou grandir, est-ce devenir quelqu’un d’autre ? 
  • La manière dont les autres te voient change-t-elle qui tu es ? 

Autre thème philosophique à aborder

  • Grandir

D’autres récits philo

Infinita refectio

Comme chaque matin à la même heure, Théodore traversait tout guilleret son appartement. Son tome d’Harry Potter sous les bras, il s’apprêtait à reprendre sa lecture, dans le lieu le plus calme qui soit : ses toilettes. Aîné d’une famille nombreuse, il avait récemment découvert que c’était le seul endroit où personne ne le dérangeait jamais. D’ailleurs, il aimait désormais appeler cette pièce  son cabinet de lecture. Cela lui donnait un petit côté XVIIIe siècle qui n’était pas pour lui déplaire. Ça donnait du cachet.  
Depuis cette découverte, il progressait vite dans son livre, il en était déjà au tome 3 des aventures du petit sorcier.  Malheureusement, au milieu d’un chapitre haletant, trois coups fatidiques retentirent sur la porte. 

– Allez sors, dépêche toi, c’est mon tour maintenant. 

C’était Basile, son petit frère,  qui ayant fini par comprendre le manège de son aîné, voulait l’imiter et lui aussi s’enfermer avec ses BD.  

– C’est bon, donne moi 5 minutes. 

Agacé mais compréhensif, Théodore se dit qu’il pourrait reprendre où il en était  dans sa chambre puisqu’elle serait libérée du bruit de Basile, occupé à une autre destinée. Il entreprit donc de dérouler le rouleau de papier toilette quand soudain il aperçut une inscription étrange sur l’une des feuilles. 

Infinita refectio

Qu’est ce que ca pouvait bien vouloir dire  ? Et qu’est-ce que ça faisait là ? 
Théodore continua à dérouler le papier, mais plus rien : une seule inscription sur une seule feuille. 
Intrigué, il la découpa soigneusement et la plaça dans son livre, à l’abri des regards. Il avait l’impression d’avoir découvert un trésor : ce n’était plus un cabinet de lecture mais un cabinet de curiosités ! Et cette formule en latin, parce que ce devait être du latin, c’était obligatoirement une formule magique. Il se sentait pousser des ailes (de griffon), tel le digne héritier d’Harry (Potter, il préférait Poudlard à Buckingham). 
C’est donc fort aise qu’il sortit du lieu du même nom et  gratifia d’un large sourire son frère, lequel n’était pas habitué à tant de bonne volonté de la part de son aîné, surtout  quand il venait l’arracher à sa tranquillité. 

Une fois dans sa chambre, Théodore ressortit précautionneusement la feuille et tapa fébrilement la formule sur son ordinateur. 
Première satisfaction : il avait vu juste, c’était bien du latin et cela signifiait quelque chose comme réparation infinie, ou rétablissement, renaissance.  En revanche, il n’était fait mention nulle part d’une quelconque magie associée. 
Réparation infinie, qu’est ce que cela pouvait bien signifier ? Aurait-il découvert la formule de la vie éternelle ? Ou en tout cas, le moyen de panser toutes ses blessures, ce qui revenait à peu près au même. Il hésita alors à prononcer les mots à voix haute, pour tester, mais il était bien trop malin pour risquer de déclencher un cataclysme. Vous savez, quand le héros de l’histoire prononce la phrase fatidique et qu’en fait, c’est une malédiction qui s’abat sur sa famille, ou pire, sur la planète. 
Et puis, comment saurait-il  s’il s’était rendu immortel par simple énonciation ? Comment savoir si ça avait fonctionné. Il n’était pas (encore) prêt à tester. Non, il était plus prudent de faire des recherches d’abord. 
Il écuma alors pendant une semaine tout ce que sa ville comptait de bibliothèques, il arpenta le web, même le plus dark, et ses forums de sorcellerie. Rien. Il n’osait en parler à personne, même à son meilleur ami. Imaginez que cette formule ne vienne à tomber en de mauvaises mains. 
Durant cette période, il était naturellement retourné aux toilettes à diverses reprises, et avait poursuivi sa lecture d’Harry Potter. Peut-être pourrait-il y trouver un indice. Mais rien non plus de ce côté-là. 
Enfin, il avait déroulé un nombre conséquent de rouleaux de papier toilette, au grand désespoir de son père, à la recherche de la même formule ou d’une autre. Mais rien. Rien. Riennnnnn. 

Théodore, assis nerveusement sur le siège des toilettes, se trouvait dans une impasse. Dans une double impasse même : il venait de finir le dernier rouleau !
Il était tellement obnubilé par cette maudite formule qu’il en avait oublié les bases : toujours vérifier l’état des stocks avant de s’asseoir. Décidément, cette formule ne lui avait apporté que du tracas. 

Infinita refectio, tu parles, dit-il, enragé, à voix haute. 

Avant de se coller précipitamment la main sur la bouche. Mais c’était trop tard. Il avait prononcé l’incantation. 
Silencieux, immobile, Théodore attendit. Rien ne se passait. Encore un peu… Il s’inspecta rapidement. Rien ne semblait différent. Mais il devait s’examiner plus en profondeur, peut-être se faire une petite entaille au couteau pour voir si sa peau se régénèrerait automatiquement. 
Mais encore fallait-il qu’il puisse sortir des toilettes. Dans son excitation, il avait oublié ce détail. Il porta de nouveau son regard sur le rouleau épuisé et se rendit compte avec stupeur qu’il était de nouveau entier ! Avait-il pu mal voir ? 
Saisi par une intuition, Théodore déroula aussi rapidement que son chat Mozza ce nouveau rouleau et prononça d’un voix forte : 

Infinita refectio

Et l’incroyable se produisit devant ses yeux écarquillés  : le rouleau se régénéra. De triste cylindre en carton,  il venait de se transformer en recharge douillette. 
Il n’avait pas trouvé la formule de la vie éternelle, certes, mais d’une certaine manière celle pour ne plus jamais être au bout du rouleau. Et ce n’était pas si mal, après tout.

Camille Lacôte

Thèmes philosophique à aborder :

Le bonheur :

  • Peut-on se satisfaire de peu ?
  • C’est quoi le bonheur ?
  • Y a-t-il des petits et des grands bonheurs ?

D’autres récits philo

Le secret

– Lisa, faut que je te dise quelque chose

Rose m’avait attrapé à la sortie des cours. Elle avait l’air grave et ça ne lui ressemblait pas. Habituellement, c’était une fille souriante, toujours de bonne humeur, toujours pleine de vie. 
Je savais que maman m’attendait à la maison et qu’elle s’inquiétait vite du moindre de mes retards. Mais ça avait l’air vraiment important. 

– Qu’y a-t-il ? ça va pas, tu as l’air bizarre ?
– Bon, en fait, ça fait pas si longtemps qu’on se connaît toi et moi, mais je crois vraiment qu’il faut que je t’avoue quelque chose.

Aïe… C’est vrai, elle était nouvelle , elle était arrivée à la rentrée quelques semaines auparavant. Mais je ne sais pas, quelque chose chez elle m’avait attirée tout de suite. En plus, la prof de français m’avait demandé de m’occuper d’elle, lui montrer le collège, lui expliquer les trucs importants du genre éviter la viande de la cantine qui baigne dans le gras ou préférer les toilettes du 3e étage parce qu’en général il y a du papier. Enfin, je ne suis pas sûre que c’est à ça que la prof pensait, mais c’est ce qui m’a semblé le plus important. 

– ça peut attendre demain . Ma mère m’attend, là. Et puis je viens toujours dormir chez toi demain, non ?

Au moment où je finissais de prononcer ces paroles, Rose avait encore blêmi.

– Bon, attends, je vais lui envoyer un SMS pour ne pas qu’elle s’inquiète. Comme ça, on aura le temps de discuter.

Une fois le message envoyé, j’allais m’installer sur un banc devant le collège. Il y avait beaucoup de cris et d’allées et venues. C’était vendredi et tous les élèves manifestaient bruyamment leur joie d’être en week-end. 

– ça te va si on s’installe là ? Ou tu veux qu’on trouve un coin plus tranquille ? Tu as l’air vraiment embêtée. C’est pas trop grave au moins ? C’est pour demain soir ? Tu sais, si je ne peux plus venir dormir chez toi, c’est pas grave, ça sera pour une autre fois. T’as invité quelqu’un d’autre, c’est ça ?  T’as promis à Emma ? Cette petite garce te colle depuis le début de la semaine, j’ai bien remarqué . Elle t’a forcé la main ? Qu’est-ce qu’elle t’a promis ? C’est pas très cool si tu as fait ça.
– Mais enfin Lisa, calme-toi, c’est moi qui ai quelque chose à te dire, et c’est toi qui n’arrête pas de parler. Je ne pensais pas qu’on pouvait parler aussi vite. Je ne peux pas en placer une !
– Désolée, désolée, continuais-je dans un débit toujours plus rapide. Mais tu me stresses, là aussi, avec ta tête toute pâle. Tu n’oses plus me regarder. J’ai peur de ce que tu vas m’annoncer.”

Je réussis enfin à me taire et j’essayais d’encourager Rose à se confier en lui lançant ce que je croyais être un regard chaleureux. Mais j’avais de plus en plus peur de ce qu’elle allait m’annoncer. Et si elle ne voulait plus être mon amie ? Et si elle avait une maladie ? 

– En fait, j’ai un truc à t’avouer à propos de ma mère

Et bim, elle va m’annoncer que sa mère a un cancer. Comment je dois réagir ? Oh la la la la la la. 

– Vaut mieux que je te le dise tout de suite. Comme tu viens dormir demain de toutes façons, tu vas t’en rendre compte. Bon, c’est pas très facile à avouer.

Silence de mort de mon côté. Ma respiration s’accélère.

– Bon, voilà… Ma mère est la pire cuisinière du monde. Elle fait vraiment des trucs immondes. Le pire, c’est que parfois, c’est appétissant mais à peine tu as pris une bouchée, tu as envie, non, tu as besoin de tout recracher.

Nan, mais c’est une blague là ! Tout ce stress pour ça ??

– Je préfère te prévenir. Ta mère à toi, elle a l’air de tellement bien cuisiner. Quand tu ramènes des gâteaux pour le goûter, c’est toujours tellement bon. Alors, moi j’ai un peu honte mais tu verras elle est super gentille ma mère sinon. C’est juste que ses plats couperaient l’appétit à des rescapés de Koh Lanta.

J’éclatai de rire, je ne pouvais plus m’arrêter. 

– C’est ça, ton secret terrible et inavouable ? Ouf, je suis soulagée. Et je prends le risque de quand même venir dormir chez toi demain.

Pour la petite histoire, Rose ne mentait pas : sa mère était vraiment la pire des cuisinières. Mais ça n’empêcha pas qu’au fil des années nous devînmes les meilleures amies du monde. Comme quoi, les spaghettis bouillis aux boulettes de porc, ça rapproche.

Camille Lacôte

Les thèmes philosophiques à aborder :

La peur :

  • Quelles différences entre la peur, le stress et l’angoisse ?
  • De quoi peut-on avoir peur ?
  • A-t-on parfois raison d’avoir peur
  • A quoi ça sert d’avoir peur 
  •  Comment faire pour surmonter ses peurs ? 
  • Est-ce que nous avons tous peur des mêmes choses ? Pourquoi ?
  • Est-ce que ça peut-être utile d’avoir peur ? 

Un autre atelier sur la peur avec le cri de Munch.

L’imagination

  • Est-ce que l’imagination, ça se contrôle  ?
  • On dit qu’on “laisse libre cours à son imagination” . Est-ce que, toi, ça t’arrive d’imaginer des trucs ?  Comment ça se passe (dessin, histoire, jeux, …) ? Et comment les autres réagissent ? 
  • Est-ce qu’imaginer, c’est comme rêver ? 
  • Est-ce qu’imaginer, c’est bon ou mauvais ? 

D’autres récits philo

Souvenirs, souvenirs

– Viens, il faut que tu vois l’arbre que j’escaladais quand j’étais petite. 

Mia passe les vacances dans le village de son enfance. Elle a déménagé il y a 5 ans maintenant, et elle n’était jamais revenue. Elle a amené Clarissa, sa meilleure amie, qu’elle a rencontrée en arrivant dans son nouveau collège. Elle veut tout lui montrer. C’est incroyable, rien ne semble avoir changé. C’est comme si elle faisait un voyage dans le passé. 
Le tilleul trône majestueusement au milieu de la place. Mia s’apprête à grimper, quand une voix l’arrête. 

– Hey, croquette, tu es revenue ? 

Mia se fige. Ses joues sont en feu et sa voix tremble.

– Ah salut Paolo. Je suis de passage pour les vacances. Je te présente Clarissa. Bon, on se recroisera sûrement. 

Mia empoigne Clarissa et s’éloigne. 

– Tu ne voulais pas monter à l’arbre, demande Clarissa . Et comment il t’a appelée  ?
– Ah, je n’ai pas fait attention. Allons à la rivière, on sera sûres de ne croiser personne. 
– C’est marrant, depuis qu’on est là, tu me montres plein d’endroits, mais tu ne veux jamais parler à personne. Tu n’es pas si sauvage d’habitude. 

En arrivant à la rivière, Mia ralentit le pas. Il y a un groupe d’ados sur la rive. Elle murmure : 
– oh non, mes cousins…
– Oh chouette, tu veux dire ! J’ai plein de questions à leur poser. Je vais enfin savoir à quoi ressemblait la petite Mia. 

Avant que Mia ne puisse fuir, Clarissa s’avance vers le groupe. 

– Mais c’est Croquette. Si j’avais su que tu venais, je t’aurais amené un petit en-cas. Cousine, comment tu vas ? 

C’est le plus grand des garçons qui a dit ça, il serre chaleureusement Mia dans ses bras.  

– Super, Luka, et toi ? Je te présente Clarissa, une amie. On ne faisait que passer, on ne vous embête pas plus longtemps. 
Clarissa s’interpose. 

– Mais je suis sûre qu’on ne les embête pas. Luka, je peux te poser une question : pourquoi tout le monde l’appelle Croquette? 

Luka affiche un grand sourire alors que Mia se décompose. 

– Elle ne t’a jamais raconté ? c’est une histoire trop mignonne. Quand elle avait 3 ans, ses parents avaient une chatte, Plume. Et Mia l’adorait, elles partageaient tout. Y compris leur repas ! Mia mangeait les croquettes de Plume qui la laissait faire. D’où le surnom.

Mia a de nouveau les joues en feu et les poings serrés. Elle sent les larmes monter. 

– Mais arrêtez avec cette histoire, c’est pas mignon, c’est ridicule. C’était il y a 10 ans ! 10 ans. On peut passer à autre chose ?

Elle s’enfuit. Luka la regarde partir, interdit. Il est tout pâle. Clarissa s’élance à la poursuite de son amie. Elle la retrouve, quelques mètres plus loin, en pleurs. 

– J’ai tellement honte, je n’aurais jamais dû t’emmener ici. J’étais si contente le jour où on a déménagé. Pour beaucoup d’enfants, c’est une déchirure. Pour moi, c’était une libération. Ce surnom ridicule… Je pensais qu’après tout ce temps, les gens auraient oublié… Tu ne le diras à personne, hein ?

Mia regarde tristement son amie qui la serre très fort dans ses bras. 

– Si tu savais comment on m’appelait quand j’étais petite…

Une lueur d’intérêt s’allume dans les yeux de Mia. Les deux amies éclatent de rire. 

Camille Lacôte

Questions pour lancer la discussion philosophique :

  • Peux-tu me résumer l’histoire ?
  • A ton avis, pourquoi Mia veut-elle faire visiter les lieux de son enfance à son amie Clarissa ? Pourquoi, en revanche, ne veut-elle pas lui présenter les gens de son passé?
  • Est-ce que c’est important de connaître le passé ?
  • Est-ce qu’il faut s’en souvenir ? A-t-on le droit de l’oublier ? 
  • Qu’est-ce qui nous pousse à déterrer le passé ? 
  • Est-ce que mon passé m’appartient ? 
  • Peut-on échapper à son passé ? Peut-on s’en défaire ? 
  • Peut-on changer le passé ?
  • Le passé est-il vraiment derrière nous ?
  • Et le passé peut-il changer le présent ? Le futur ? 
  • Doit-on avoir honte de son passé ? Peut-on être fier de son passé ? 
  • Le passé fait-il de nous ce que nous sommes ? 

Vous pouvez clore la discussion par quelques citations: 

On voit le passé meilleur qu’il n’a été ; on trouve le présent pire qu’il n’est ; on espère l’avenir plus heureux qu’il ne sera.
Louise d’Epinay


Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu dans la mémoire humaine.
Marguerite Yourcenar

Le présent serait plein de tous les avenirs, si le passé n’y projetait déjà une histoire.
André Gide

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