– Lisa, faut que je te dise quelque chose
Rose m’avait attrapé à la sortie des cours. Elle avait l’air grave et ça ne lui ressemblait pas. Habituellement, c’était une fille souriante, toujours de bonne humeur, toujours pleine de vie.
Je savais que maman m’attendait à la maison et qu’elle s’inquiétait vite du moindre de mes retards. Mais ça avait l’air vraiment important.
– Qu’y a-t-il ? ça va pas, tu as l’air bizarre ?
– Bon, en fait, ça fait pas si longtemps qu’on se connaît toi et moi, mais je crois vraiment qu’il faut que je t’avoue quelque chose.
Aïe… C’est vrai, elle était nouvelle , elle était arrivée à la rentrée quelques semaines auparavant. Mais je ne sais pas, quelque chose chez elle m’avait attirée tout de suite. En plus, la prof de français m’avait demandé de m’occuper d’elle, lui montrer le collège, lui expliquer les trucs importants du genre éviter la viande de la cantine qui baigne dans le gras ou préférer les toilettes du 3e étage parce qu’en général il y a du papier. Enfin, je ne suis pas sûre que c’est à ça que la prof pensait, mais c’est ce qui m’a semblé le plus important.
– ça peut attendre demain . Ma mère m’attend, là. Et puis je viens toujours dormir chez toi demain, non ?
Au moment où je finissais de prononcer ces paroles, Rose avait encore blêmi.
– Bon, attends, je vais lui envoyer un SMS pour ne pas qu’elle s’inquiète. Comme ça, on aura le temps de discuter.
Une fois le message envoyé, j’allais m’installer sur un banc devant le collège. Il y avait beaucoup de cris et d’allées et venues. C’était vendredi et tous les élèves manifestaient bruyamment leur joie d’être en week-end.
– ça te va si on s’installe là ? Ou tu veux qu’on trouve un coin plus tranquille ? Tu as l’air vraiment embêtée. C’est pas trop grave au moins ? C’est pour demain soir ? Tu sais, si je ne peux plus venir dormir chez toi, c’est pas grave, ça sera pour une autre fois. T’as invité quelqu’un d’autre, c’est ça ? T’as promis à Emma ? Cette petite garce te colle depuis le début de la semaine, j’ai bien remarqué . Elle t’a forcé la main ? Qu’est-ce qu’elle t’a promis ? C’est pas très cool si tu as fait ça.
– Mais enfin Lisa, calme-toi, c’est moi qui ai quelque chose à te dire, et c’est toi qui n’arrête pas de parler. Je ne pensais pas qu’on pouvait parler aussi vite. Je ne peux pas en placer une !
– Désolée, désolée, continuais-je dans un débit toujours plus rapide. Mais tu me stresses, là aussi, avec ta tête toute pâle. Tu n’oses plus me regarder. J’ai peur de ce que tu vas m’annoncer.”
Je réussis enfin à me taire et j’essayais d’encourager Rose à se confier en lui lançant ce que je croyais être un regard chaleureux. Mais j’avais de plus en plus peur de ce qu’elle allait m’annoncer. Et si elle ne voulait plus être mon amie ? Et si elle avait une maladie ?
– En fait, j’ai un truc à t’avouer à propos de ma mère
Et bim, elle va m’annoncer que sa mère a un cancer. Comment je dois réagir ? Oh la la la la la la.
– Vaut mieux que je te le dise tout de suite. Comme tu viens dormir demain de toutes façons, tu vas t’en rendre compte. Bon, c’est pas très facile à avouer.
Silence de mort de mon côté. Ma respiration s’accélère.
– Bon, voilà… Ma mère est la pire cuisinière du monde. Elle fait vraiment des trucs immondes. Le pire, c’est que parfois, c’est appétissant mais à peine tu as pris une bouchée, tu as envie, non, tu as besoin de tout recracher.
Nan, mais c’est une blague là ! Tout ce stress pour ça ??
– Je préfère te prévenir. Ta mère à toi, elle a l’air de tellement bien cuisiner. Quand tu ramènes des gâteaux pour le goûter, c’est toujours tellement bon. Alors, moi j’ai un peu honte mais tu verras elle est super gentille ma mère sinon. C’est juste que ses plats couperaient l’appétit à des rescapés de Koh Lanta.
J’éclatai de rire, je ne pouvais plus m’arrêter.
– C’est ça, ton secret terrible et inavouable ? Ouf, je suis soulagée. Et je prends le risque de quand même venir dormir chez toi demain.
Pour la petite histoire, Rose ne mentait pas : sa mère était vraiment la pire des cuisinières. Mais ça n’empêcha pas qu’au fil des années nous devînmes les meilleures amies du monde. Comme quoi, les spaghettis bouillis aux boulettes de porc, ça rapproche.
Camille Lacôte
Les thèmes philosophiques à aborder :
La peur :
- Quelles différences entre la peur, le stress et l’angoisse ?
- De quoi peut-on avoir peur ?
- A-t-on parfois raison d’avoir peur
- A quoi ça sert d’avoir peur
- Comment faire pour surmonter ses peurs ?
- Est-ce que nous avons tous peur des mêmes choses ? Pourquoi ?
- Est-ce que ça peut-être utile d’avoir peur ?
Un autre atelier sur la peur avec le cri de Munch.
L’imagination
- Est-ce que l’imagination, ça se contrôle ?
- On dit qu’on “laisse libre cours à son imagination” . Est-ce que, toi, ça t’arrive d’imaginer des trucs ? Comment ça se passe (dessin, histoire, jeux, …) ? Et comment les autres réagissent ?
- Est-ce qu’imaginer, c’est comme rêver ?
- Est-ce qu’imaginer, c’est bon ou mauvais ?
D’autres récits philo