Apprendre en se trompant
“Est ce que quand on se trompe, ça veut dire qu’on est bête ?” Cette question, vous l’avez peut-être déjà entendue. Elle hante de nombreux enfants, et des adultes aussi, même s’ ils ne la prononcent pas à haute voix.
Souvent, erreur rime avec points en moins, moquerie des camarades ou même honte de l’auteur de la faute. Lors d’un atelier philo sur la peur, ils ont été nombreux les enfants qui m’ont parlé de la peur de rater “parce qu’on se fait gronder, parce qu’on se fait huer ou moquer”. Et pourtant, se tromper est le meilleur moyen d’apprendre ! En voilà une nouvelle à crier sur les toits.
Appelons les neurosciences à la rescousse pour comprendre ce qui a priori peut paraître contradictoire. Dans Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines, le neuropsychologue Stanislas Dehaene nous explique que notre cerveau ne peut ajuster ses modèles que lorsqu’il s’aperçoit d’un décalage entre ce qu’il envisageait et la réalité. C’est à ce moment que les modèles mentaux se mettent à jour. “L’erreur est donc la condition même de l’apprentissage », écrit-il.
N’avez-vous pas remarqué d’ailleurs qu’on se souvient bien mieux d’une bonne réponse dans un QCM lorsqu’on a d’abord fait une erreur que lorsqu’on a répondu au hasard ? A condition bien sûr que la correction nous soit donnée et expliquée, de manière immédiate et détaillée.
Dites donc à vos enfants que se tromper, non seulement ce n’est pas la fin du monde, mais que ça fait partie du processus d’apprentissage. “Je me trompe donc j’apprends”, pourrait-on dire. Et les Shadoks ajouteraient “Ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir… En d’autres termes, plus ça rate et plus on a de chances que ça marche !”
Apprendre en faisant des efforts
Se pose alors une autre question, problématique elle aussi. C’est celle de l’effort. Ce qui démotive dans l’erreur on l’a dit, c’est la peur de paraître bête, d’avoir une mauvaise note. Mais c’est aussi la peur (la flemme ?) de devoir recommencer.
Et bien non, scoop ! Tout le monde doit faire des efforts, peut-être plus ou moins grands, mais sinon, il n’y a pas de progression.
Rappelez-vous ou rappelez à votre enfant ses premiers pas. A-t-il été facile de se mettre debout et d’avancer ? Combien de chutes, combien de tâtonnements avant de pouvoir se dresser sur ses deux jambes et avancer sans se tenir à rien. Peut-être avez-vous un petit film qui traîne qui retrace cette avancée. Idem pour apprendre à faire du vélo. Et quelle satisfaction de réussir après de gros efforts. n’est-elle pas même plus grande que lorsque la réussite survient immédiatement, (trop) facilement.
Apprendre en approfondissant
De plus, les neurosciences, encore elles, nous disent que le cerveau retient mieux les informations qu’elle a traitées en profondeur. Henry Roedinger, un psychologue américain, encourage même à rendre les conditions d’apprentissage plus difficiles, ce qui oblige les étudiants à un engagement plus grand et à un effort cognitif, et ce qui conduit souvent à une meilleure rétention. Donc armez vos enfants de pelles, et incitez-les à creuser sur les sujets les plus divers. Et bonus, cela éveillera leur curiosité, un ingrédient essentiel au bon développement du cerveau.
Peut-être que vous aussi, vous vous trompiez en réclamant un zéro faute du premier coup. Mettez vos modèles mentaux à jour, prenez conscience du décalage entre ce que vous envisagiez et la réalité et dédramatisez l’erreur. Ajoutez une bonne dose d’efforts et un creusage en règle, et vous obtiendrez la recette d’un apprentissage réussi !
Si vous fermez la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors.
Rabindranàth Tagore
Un commentaire