Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing !
Jules range ses stylos dans sa trousse et se précipite dehors.
- Attention, Jules, tes lacets sont défaits, tu veux que je t’aide à les faire ?
Mais Jules ne veut pas. La maîtresse va encore vouloir lui montrer, ça va prendre mille ans. Il les noue rapidement. Ça n’a pas l’air de bien tenir mais le nœud est stylé et pas question de louper une précieuse minute de récré. Et puis, il est bien trop content d’aller montrer à ses copains ce qu’il a réussi à faire.
Il s’élance en courant, le lacet de la chaussure gauche se défait dans l’escalier. Et c’est le vol plané.
Quelques secondes de silence. Les gens autour de lui se figent, choqués par la violence de l’impact, et d’un coup :
- Ouinnnnnnnnnnnnnnnn
Jules est en larmes, il se tient le genou et regarde son lacet défait qui s’agite comme un serpent au bout de sa chaussure. Il ne sait pas trop si c’est la douleur ou la honte qui le fait pleurer.
La maîtresse accourt, le prend dans ses bras et le porte jusqu’au bureau de la directrice.
- Ne bouge pas, je vais appeler tes parents, dit-elle de la voix la plus douce possible. Mais elle est obligée d’élever le ton pour couvrir les sanglots.
Une fois seul, les larmes de Jules finissent par s’assécher. Le silence se fait dans la grande salle. Il n’est pas rassuré, son genou lui fait mal. En le regardant, tout rouge et un peu gonflé, il aperçoit le lacet défait qui le nargue. Une nouvelle larme coule lentement sur sa joue.
Soudain, il entend quelque chose. Un bruit semble venir de l’armoire. Il s’approche en boitillant et ouvre les portes d’un coup. Mais rien : seulement un stock de fournitures.
Pourtant, le bruit continue, comme des rires qui s’échappent de derrière la cloison. En tâtonnant, il appuie sur un bouton sans vraiment s’en rendre compte… et comme par magie, le fond de l’armoire coulisse.
Il n’en croit pas ses yeux : une grande pièce aux murs colorés, recouverte d’un gros matelas bien épais. Au centre, trône un gigantesque trampoline ; et dans les airs, la directrice en plein salto. C’est elle qui rigole très fort.
Jules se racle la gorge pour attirer son attention.
- Zboïng, zboïng.
- Madame, dit-il plus fort.
La directrice semble se figer en plein vol.
- Mais… mais qu’est-ce que tu fais là, dit-elle d’un air gêné, en atterrissant maladroitement.
- Euh, j’attends la maîtresse. Elle est partie appeler mes parents parce que je suis tombé dans les escaliers, répond Jules en montrant la poche de glace qu’il tient encore sur son genou. Mais c’est quoi, ici ?
- Et bien, euh… comment dire… C’est une pièce dans laquelle je viens quand je me sens un peu triste, ou quand j’ai besoin de me changer les idées.
Elle s’approche de lui et lui tend un mouchoir.
- En parlant de ça, c’est quoi ces grosses larmes sur tes joues ? Viens un peu par là et fais comme moi, on oublie tout quand on saute. Mais avant, refais ton lacet. Les matelas sont épais, mais mieux vaut éviter un nouvel accident.
- Je ne suis pas sûr d’y arriver tout seul. Vous voudrez bien vérifier quand j’aurai terminé ?
- Oui, mais essaie quand même. On a le temps. Personne n’est au courant que cette pièce existe.
Jules jette un œil plein d’envie au trampoline, prêt à s’élancer mais son regard tombe sur sa jambe. Il finit par poser un genou à terre, saisit les deux lacets et essaie de se souvenir de ce que lui a appris sa maman.
- Deux oreilles de lapin, je fais le tour de l’arbre et je rentre dans le terrier.
Cette fois, Jules prend bien le temps de serrer et de vérifier que son lacet tient. Après un coup d’œil, Madame Plume lui tend la main. Jules hésite. En même temps, c’est la directrice. Elle doit savoir ce qu’elle dit.
Il commence par faire des petits sauts timides, puis gagné par l’excitation, il prend de plus en plus de hauteur et rivalise d’agilité avec Madame Plume.
- Youpiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, zboïng, zboïng.
Après 10 minutes de saltos avant et arrière, Jules a complètement oublié son vol plané dans l’escalier… Et les lacets tiennent toujours !
- Bravo Jules, tu apprends vite ! J’ai l’impression que ta tête est à nouveau sur tes épaules. Il est temps de retourner dans mon bureau. Ta maîtresse va revenir. Je peux te demander une chose ?
- Bien sûr, Madame.
- Tu pourrais garder le secret ? Je voudrais que cette pièce reste… notre petit coin à nous.
Jules acquiesce, suit la directrice dans son bureau et referme soigneusement la cloison derrière lui.
C’est à ce moment que la maîtresse arrive.
- Oh, madame la directrice, vous étiez là, je ne vous avais pas vue. Les parents de Jules arrivent, il a fait une grosse chute dans l’escalier.
- Oui, je sais, il m’a tout raconté. Mais je crois que ça va mieux.
Elle lui fait un clin d’œil. Jules lui répond avec un grand sourire.
***
Une vingtaine de minutes plus tard, les parents de Jules arrivent, paniqués.
- Tout va bien, mon chéri ?
Jules lit calmement une BD dans un gros fauteuil moelleux.
- Ça a l’air d’aller en fait, dis donc. La maîtresse nous a pourtant dit que tu avais fait une grosse chute et que tu étais inconsolable.
- Oui, mais quelqu’un m’a remis les idées en place.
Les parents se regardent, étonnés.
- Parfait, on y va alors. Mais attends, ton lacet est défait, tu veux que je le refasse, demande son père en se penchant vers son pied.
- Non, c’est bon papa, regarde, je sais faire tout seul.
En quelques secondes, Jules noue ses chaussures sous le regard impressionné de sa maîtresse et de ses parents. Il fait un clin d’œil à la directrice puis s’adressant à ses parents :
Depuis le temps que j’essayais d’apprendre… vous pourriez au moins sauter au plafond !
Camille Lacôte
Questions à poser à l’issue de la lecture :
- Est-ce que tu dirais que Jules a commis une erreur ? Si oui, laquelle ?
- Pourquoi ?
- Est-ce que c’est grave
- Que lui a permis son erreur ?
- T’est-il déjà arrivé de faire une erreur ? Comment t’en es-tu aperçu ?
- Que s’est-il passé alors : la maîtresse ou tes parents ont-ils fait quelque chose de particulier ?
- Est-ce toujours la même chose qui arrive quand on a fait une erreur ? Qu’est-ce qui peut changer ?
- Est-ce que lorsqu’on est en classe, en général, on a le droit, ou pas, de faire des erreurs ?
- Et en dehors de la classe ?
- Est-ce grave de se tromper ? Donne un exemple où l’erreur est grave et un où elle ne l’est pas .
- Quelles sont les raisons pour lesquelles on peut se tromper ?
- Par manque de connaissance ?
- Par inexpérience ?
- Parce que l’on ne réfléchit pas ?
- Parce qu’on ne fait pas attention ?
- Pour attirer l’attention ?
- Est-ce qu’on te demande parfois de faire exprès des erreurs ? »
- Est-ce que se tromper, ça peut être bien ? Dans quelles conditions ?
- Est-ce que le bébé arrive à marcher tout de suite ?
- Est-ce que tu as réussi à faire du vélo tout de suite ?
- Est-ce que quand tu essaies, au bout d’un moment tu finis par y arriver ?
- Est-ce qu’on peut ne jamais se tromper ?